L'avion économique de construction amateur...

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Philippe Dejean
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L'avion économique de construction amateur...

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous,

L'avion économique, ce serpent de mer, ce "marronnier" qui ressort régulièrement, pour des raisons financières, mais pas seulement...

Je suis l'heureux propriétaire d'un Super-Diamant motorisé par un Lycoming O-360 A1A qui vole très bien. Encore merci à Claude Piel !

Sous d'autres cieux (par exemple en Amérique du nord), j'en profiterai sans arrière pensées, mais ici, je ne peux que m'interroger sur l'usage d'une machine par ailleurs parfaitement réjouissante.

Il est doté d'un silencieux d'échappement efficace, et le moteur est assez puissant pour que je puisse voler en croisière entre 2250 et 2300 tours par minute, ce qui réduit notablement les nuisances sonores dues à l'hélice.

Non seulement à ce régime, le moteur est suffisamment peu chargé pour qu'il consomme déjà relativement peu, mais je peux en plus appauvrir la mixture au maximum sans risquer de l'abimer. C'est ainsi que j'arrive à réduire ma consommation horaire d'essence à des valeurs bien inférieures à celle des avions d'aéroclubs utilisant le même moteur, et ce, sans trop allonger le temps de vol...

D'ailleurs, si le plaisir est dans le fait de voler et de piloter, quelques minutes de vol supplémentaires sur un trajet ne sont-elles pas plus un bonus qu'une pénalité?

Mais le problème, c'est que je suis bien trop conscient de mon empreinte environnementale pour ne pas m'interroger sur mes pratiques et les changer pour un comportement plus "vert" autant que possible.
- je voyage préférablement en train,
- je prends le métro et je marche à pieds pour aller travailler,
- je veille à l'isolation thermique de mon logement, et à réduire ma consommation énergétique (chauffage, éclairage,...)
- à la campagne, j'utilise avec parcimonie ma vieille Clio2 de 1998 dont l'empreinte environnementale de la construction est amortie sur plus de 270.000 km...
- etc, etc...

Reste l'avion...
En moyenne, 30 heures de vols par an avec une consommation horaire moyenne de 30 litres à l'heure, c'est 900 litres d'essence par an.
Je pourrais me dire que ces 900 litres correspondent à 15.000 km en voiture, et que j'ai déjà économisés bien plus en prenant le train au lieu de ma voiture...
Mais non, ça ne me convainc pas : Le fait de les avoir déjà largement économisés ne me donne quand même pas bonne conscience pour les consommer par la suite !

La première solution pour les économiser, c'est de cesser de voler... Efficace, mais radical !
Et pour un passionné comme moi, c'est terriblement triste, même si je sais que pour une raison ou une autre, ça m'arrivera un jour.

L'autre approche, c'est de voler avec un avion qui consomme moins :
Force est de constater que même si le Super Diamant peut emporter 3 adultes (ou 2 adultes et 2 enfants), il y a rarement plus de 2 personnes à bord.
Un ULM biplace qui consommerait moitié moins d'essence à l'heure est une piste à creuser.
Mais il a aussi des heures de vol où je suis seul à bord, et où un monoplace réellement économique serait encore plus satisfaisant.

Je suis récemment tombé sur un vieil article écrit par Raymond Bourdin, probablement autour de 1960.
A part le premier paragraphe où l'auteur parle de sa suspension de licence à cause de non atterrissage en campagne au delà du rayon de 50 km autour de son aérodrome d'attache autorisé pour un appareil expérimental (F-W+++ au lieu de F-P+++), lui-aussi cherchait à construire un avion "économique" ou "minimal"...

L'article étant à peine lisible, je l'ai transcrit, puis j'y a ajouté mes propres commentaires et suggestions.

Merci de me faire part de vos réflexions

Philippe DEJEAN
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Philippe Dejean
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Re: L'avion économique de construction amateur...

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous,

L'être humain ne sait pas voler par lui-même : Il lui faut une prothèse matérielle, et un apprentissage du déplacement dans les trois dimensions.
Quand on parle de vol économique, on peut considérer le capital investi dans le matériel et son cout d'usage, ou d'autres paramètres plus ou moins pertinents... mais il y en a un qui sous-tend tous les autres : la dépense d'énergie.

La construction de la "prothèse à voler" nécessite de l'énergie et des matériaux qui eux-même on nécessité de l'énergie pour les produire. Mais une fois construite, son usage nécessite également de l'énergie :

Voler revient à créer dans un fluide, une force de sustentation pour s'opposer à la quasi totalité de son poids
(la poussée d'Archimède dans l'air est de l'ordre de seulement 1 N pour un homme adulte.)

Or, la seule manière de créer une force dans un fluide consiste à accélérer un débit massique de ce fluide, ce qui produit par réaction la force de sustentation, ou de propulsion voulue.

C'est bien évidemment ce que fait un rotor d'hélicoptère ou bien une hélice, mais c'est également ce que fait une aile, qui dévie l'air incident vers le bas, ce qui par réaction produit la portance, mais aussi la trainée, puisqu'en déviant l'air vers le bas, l'aile qui ne peut pas augmenter l'énergie cinétique de l'air ambiant, en diminue également sa vitesse horizontale dans le repère de l'avion, ce qui représente aussi une accélération du débit massique concerné selon l'axe du vent incident (vers l'avant, et donc par réaction la trainée tire l'avion vers l'arrière).

Pour la suite du message, je définis une machine volante habitée économique sur le plan énergétique comme celle qui nécessite le moins d'énergie possible pour se maintenir à une hauteur quelconque au dessus du sol. C'est très réducteur, j'en conviens, mais c'est quand même une piste intéressante.

L'énergie consommée par unité de temps est une puissance moyenne.

Cette puissance est égale à la masse totale de la machine à voler multipliée par l'accélération de la pesanteur et par la vitesse de chute en air calme quand la machine ne consomme pas d'énergie.

Prenons le cas d'un humain équipé d'un paramoteur dont la masse totale est (tout à fait par hasard) de 101,9368 kg et dont la vitesse de chute moteur éteint est de 1 m/s. La puissance nécessaire pour le maintenir à altitude constante non nulle en air calme est de :

101,9368 x 9,81 x 1 = 1000 W = 1 kW

On peut trouver des machines qui ont une vitesse de chute plus faible, mais elles sont généralement plus lourdes et globalement, il est très difficile de réduire la puissance consommée par un être humain volant à moins de 1 kW.

Remarque : Très difficile ne signifie pas impossible, comme dans le cas du vol musculaire où un humain particulièrement léger et sportif parvient à voler en pédalant dans une machine particulièrement grande et légère, mais très fragile, avec une puissance qui est plus proche des 300 Watts que du kW.

Si on garde l'ordre de grandeur de 1 kW, avec le paramoteur et de son hélice assez inefficace dans le dos et à basse vitesse (rendement 70% environ), la puissance du moteur doit être de l'ordre de 1,400 kW

Comme le moteur deux temps doit être beaucoup plus puissant pour assurer le décollage, son rendement à faible charge est assez mauvais (de l'ordre de 500g/kWh), ce qui donne une consommation 0,7 kg/h ou 1 l/h.

Voler pour une consommation d'un seul litre d'essence à l'heure peut sembler extrêmement économique comparé aux consommations de nos moteurs beaucoup plus puissants, mais il ne s'agit là que de se maintenir à une altitude constante.
La consommation dans la phase de décollage et de montée est près de 10 fois plus forte, c'est à dire que le décollage et la montée peuvent consommer autant que l'heure de sustentation suivante.

Dans ces conditions, la vitesse propre du paramoteur doit être de l'ordre d'une trentaine de km/h, ce qui fait une consommation à la distance (3,3 l/100 km) supérieure à celle d'un MC30 Luciole, par exemple.
Bien entendu, la comparaison ne vaut que sans vent. Avec du vent dans le dos, le paramoteur au régime de consommation minimal va être notablement avantagé (gain de temps et diminution de la consommation)
En revanche, en cas de vent de face, le paramoteur est incapable d'avancer.

Bons vols

Philippe Dejean
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Philippe Dejean
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Re: L'avion économique de construction amateur...

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous,

Je suis tombé sur ça... En cherchant autre chose, mais bon, la pertinence toute relative des moteurs de recherche a aussi de bons côtés, elle permet de trouver des choses qu'on ne cherchait pas.

https://www.aerovfr.com/2019/11/des-cas ... ir-race-e/

Quel rapport avec l'avion économique du message précédent ?


Il est clair qu'avec la masse des batteries pour une quantité d'énergie minime, on s'éloigne quelque peu de la machine la plus légère possible avec une motorisation thermique.
Cependant, comme le carburant a toutes les chances de devenir de plus en plus cher, rare et surtaxé, voire même réservé à des usages indispensables, la motorisation électrique mérite d'être étudiée, et ce, d'autant plus que l'énergie électrique utilisée par l'aviation légère pourrait être produite sur les aérodromes eux-mêmes

Je résume :
100 kg de batteries pour 20 kWh... Soit 200 Wh/kg ce qui est en haut de la fourchette de ce qu'on trouve dans les batteries automobiles, donc rien de révolutionnaire, même si c'est très bien.

Pour la production locale de l'énergie électrique :

200 W, c'est en gros la puissance crête d'un mètre carré de panneau solaire bien orienté à midi. (divisons ça par 2 pour compter tous les cas pas optimaux de la journée) donc sur une journée de 8 heures d'ensoleillement utile, il faut compter 800 Wh par m² et par jour.
Comme la charge et la décharge d'une batterie ne se fait pas sans perte (on peut compter un rendement charge + décharge de 70%), ça représente plutôt 500 W par m² de panneaux solaires et par jour au niveau du moteur de l'avion.

Donc si on veut faire deux vols par jour, soit une énergie de recharge de 2 x 20 kWh, il faut y consacrer 80 m² de panneaux par avion.
En supposant qu'un club aurait 10 racers électriques (dont quelques visiteurs à recharger) ça ferait une surface de 800 m² de panneaux répartis sur un hangar d'au minimum 700 m² utiles soit 35 m x 20 m aligné sur une piste 09-27, ce qui ne manque pas par chez nous...

Oui, mais si on ne veut pas faire des courses entre des pylones, mais voyager de terrain en terrain dans un quadriplace ?


Ce qui est sûr, c'est que l'énergie embarquée dans des batteries est suffisamment minime pour devoir être consommée avec la plus grande parcimonie.

Depuis un siècle, on sait que l'avion qui nécessite le moins d'énergie pour aller quelque part, est celui qui, à masse égale, a la meilleure finesse.
Les meilleurs planeurs ont une finesse supérieure ou égale à 40, à une vitesse de l'ordre de 100 km/h.
Pour un avion de voyage, 100 km/h c'est lent, mais comme les batteries sont lourdes, on peut se servir de la masse pour augmenter la vitesse de finesse maximale.

Les finesses de l'ordre de 40 des planeurs sont obtenues à l'aide d'allongements importants, incompatibles avec la surface alaire nécessaire à un avion nettement plus lourd : même avec des ailes aux extrémités repliables, comme celles de certains avions Fournier, l'envergure résiduelle serait prohibitive.

J'ai donc fait les calculs suivants (voir figure) en partant d'une finesse de 20 seulement, à une vitesse indiquée de 144 km/h (40 m/s)
AVE.png
AVE.png (21.5 Kio) Vu 593 fois
Que ce soit un quadriplace, un triplace ou un biplace, j'ai gardé la même masse maximale (MTOM) de 1000 kg, avec des "passager non-standards, mais réalistes" qui pèsent 90 kg habillés avec leurs bagages.
C'est un calcul très simplifié, car, par exemple, je n'ai pas tenu compte de l'impact sur la masse structurelle du délestage que représente une masse de batterie plus ou moins importante située dans la voilure.

La distance franchissable est calculée pour une décharge de 80% de la capacité de la batterie, et la surconsommation due à la montée est compensée par l'économie à la descente.

On voit que lorsqu'on remplace de la charge utile par des batteries, la distance franchissable augmente considérablement, jusqu'à 500 km (sans vent) pour le biplace, mais même pour le biplace, on est pas très loin des 300 km.

Toujours pour ce quadriplace, une recharge complète de la batterie de 50 kWh en deux heures nécessiterait une surface de 50 m² de panneaux sur le toit du hangar de l'aérodrome d'arrivée.

Ces ordres de grandeurs, avec des matériels disponibles aujourd'hui, montrent que malgré les contraintes de masse et de durée de la recharge, l'activité d'aviation légère peut tout aussi bien que l'automobile, s'adapter à la propulsion électrique.

Bons vols,

Philippe Dejean
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Philippe Dejean
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Re: L'avion économique de construction amateur...

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous,

Vous aurez sûrement remarqué l'erreur que j'ai faite dans mon calcul ci-dessus... J'ai considéré un rendement propulsif de 100% !

Or même avec une très bonne hélice, il est difficile de dépasser un rendement moyen de 80%... donc j'ai repris mon calcul, en y apportant quelques modifications.

Que ce soit avec 2, 3 ou 4 places à bord, j'ai gardé la même "grosse" batterie de 430 kg et 86 kWh, ce qui se traduit par une masse au décollage inchangée de 1000 kg pour le biplace, mais pour le triplace et le quadriplace, la masse passe respectivement à 1100 kg et 1200 kg.
ça peut sembler beaucoup, mais 1200 kg, c'est la masse maximale au décollage du D140 Mousquetaire : on reste donc dans un domaine connu du pilote d'avion léger.

Une des conséquences de cette augmentation de masse des triplaces et quadriplace, c'est l'augmentation de la vitesse de finesse max proportionnelle à la racine carrée de la masse, et l'augmentation de la puissance du moteur qui augmente comme la puissance 3/2 de la masse.

La bonne nouvelle, c'est une distance franchissable améliorée, mais maintenant, la recharge en deux heures nécessite 86 m² de panneaux solaires... Quand on pense qu'un hangar de club fait dans les 1000 m², ça n'a rien de prohibitif.
AVE_2.png
AVE_2.png (24.21 Kio) Vu 593 fois
Bons Vols

Philippe Dejean
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