Bonjour à tous,
Je suis d'accord avec toi, Jean-Claude, sur le fait que "La légèreté des ailerons n'a rien à voir là dedans..."
(En fait, ça pourrait même être le contraire : sous certaines conditions, dans la mesure où la légèreté de la commande de roulis signifie de très faibles frottements solides ou visqueux, et donc un très faible amortissement, ce qui est plutôt favorable au flutter !

)
Par contre, quand on parle de "flutter d'ailerons" on mélange en fait plusieurs phénomènes sous le même vocable.
Si on considère le moment du poids d'un aileron autour de son axe de rotation et l'élasticité de sa tringlerie, on voit déjà un premier phénomène apparaître (pour la suite, je l'appelle le "flutter statique")
Si l'aile est accélérée (par exemple vers le haut par une turbulence) selon un créneau, le flutter statique va être excité, dans la mesure où le poids apparent de m'aileron augmente en rapport et donc comprime le ressort que constitue la tringlerie. C'est un système oscillant dont la fréquence propre est proportionnelle à la racine carrée du de la raideur du ressort divisée par l'inertie de l'aileron autour de son axe de rotation.
Si la fréquence propre du mode de torsion de l'aile est proche de celle du mode de l'aileron, qui en fonction de son braquage pousse son axe vers le haut ou vers le bas, il peut se créer une oscillation couplée, qui pour peu d'il y ait assez d'énergie apportée par le vent relatif, s'amplifie...
L'excitation d'un aileron excite également l'autre dont la fréquence propre est identique

et on se retrouve avec le manche qui bat "avec la même vitesse, violence et force, les pilotes qui ont subit ce phénomène (et qui sont encore là pour le dire) ont souvent eu des fractures des genoux..."
A moins de pouvoir introduire un facteur d'amortissement (frottement solide ou mieux visqueux) et/ou de réduire l'énergie d'excitation (réduire considérablement la vitesse) la vibration s'amplifie jusqu'à ce que... quelque chose cède !
(Le phénomène est clairement décrit par le nom de "flutter explosif"

)
La première réponse évidente à ce problème, c'est l'équilibrage statique : on rajoute une masse à l'aileron, en avant de son axe afin que le poids total passe toujours par l’axe de rotation. Si l'aile est accélérée, cela n'engendre aucun moment de rotation pour l'aileron. Ce lui-ci ne comprime donc pas le ressort que représente sa tringlerie, et son mode propre de vibration n'est pas excité.
La mise en oeuvre de l'équilibrage statique doit être très précise, elle doit notamment prendre en compte le guignol et même une partie du bout de tringlerie dont le poids l'applique à la rotule du guignol. (déconnecter les gouvernes nécessite de rajouter sur le guignol, un poids qui représente environ la moitié de la tringle de commande entre le guignol et le renvoi d’angle.
Ce qui décrit ici pour les ailerons est également valable pour la profondeur et la « symétrie ».
La solution adoptée pour l’empennage papillon du Fouga Magister - un secteur de couronne mince tenu en compas - est de toute beauté, et à mon sens dans la mesure ou elle permet de placer la masse réellement à l’opposé de celle de l’aileron à compenser : à copier sans modération !

Un autre avantage de cette solution, c'est que le secteur de couronne ressemble à un bout de disque de frein. En cas de flutter "dynamique" - voir plus loin - on pourrait noyer une machoire de frein dans l'aile pour arrêter le flutter, quitte à perdre l'usage des ailerons pendant quelques secondes... (en manuel ou en automatique sur détection de vibrations excessives)
A-t-on résolu le problème de flutter pour autant ?
L’équilibrage statique des gouvernes supprime une cause de l'apparition du flutter, et en pratique pour nos avions légers, ça suffit souvent...
Mais ça n'est pas tout, ça serait trop beau !
L'équilibrage statique empêche que le mode propre de vibration soit excité par une accélération de l'aile, mais ne le supprime pas.
En rajoutant les masses d'équilibrage statique, on fait baisser cette fréquence propre d'un peu plus de 25% environ.
En cas de turbulence autour du profil de l'aile qui se produit :
- aux grands angles à l'approche du décrochage (mais en général ce phénomène se produit à une vitesse suffisamment faible pour que l'énergie d'excitation reste faible)
- à incidence très faible (négative pour les profils cambrés) et à des Reynolds assez élevés, zone de décollement dans des derniers 25 à 30% de la corde (à l'arrière du profil, là justement où se trouve l'aileron). Cette zone est propice à l’apparition de tourbillons alternés de Von Karmann. Ce phénomène apparaît plus facilement avec les profils dont l'épaisseur maximale est reculée vers l'arrière (profils "naturellement" laminaires = NLF, notamment) à cause de l’implosion répétée de la bulle laminaire à très faible incidence.
(Voir figures)
On peut arriver à un résultat similaire avec un profil quelconque (non laminaire) sous facteur de charge négatif. Mais même sans arriver à ce cas de vortex, le spectre fréquentiel des turbulences « normales » est assez étendu pour exciter le mode propre de vibration de l'aileron et, pour peu que la fréquence d'un des modes propres de torsion de l'aile, le décollement oscille également et l’amplitude des vibrations augmente dès qu’assez d’énergie (carré de la vitesse) est introduite dans le système... C’est le flutter dynamique.
(Voir la suite du cas du flutter statique ci dessus, la cause est différente, mais pour le résultat, c'est pareil!)
La solution est assez facile à trouver, mais nettement moins évidente à mettre en œuvre !
L’idée c’est toujours de compenser l’effort appliqué à l’arrière de l’axe de l’aileron par un effort en avant de l’axe afin que la somme des moments résultante soit nulle.
Pour contrer une force aérodynamique, il faut une autre surface dans le même écoulement, mais en avant de l’axe… et c’est à que le bât blesse : dès qu’on s’éloigne de l’aileron, les caractéristiques de l’écoulement changent.
Pour un avion de voltige où la zone affectée par les turbulences est plutôt à l’intrados, la solution classique est de placer des « pelles » en avant de l’axe, sous la voilure. La solution consiste souvent utiliser une tôle d’acier dont la masse constitue l’essentiel de la masse de la compensation statique.
Mais les avions de sport rapide reviennent à la mode (il suffit de comparer les performances un D113 et un MCR avec 100 HP également) pour voir ce qu’on gagne déjà !
Le flutter dynamique derrière un profil laminaire à toutes les chances d’apparaître sur les avions CNRA :
Supposons un monoplace de type racer F1, avec d’aussi bonnes qualités aérodynamiques (SCx0 = 0,1 m²) mais pesant 450 kg en ordre de vol motorisé avec un 200 HP injection à échappement et admission accordée (C'est à dire capable de maintenir ses 200 HP jusqu'au niveau 95) et bien sûr muni d'une hélice à pas variable.
Au niveau du sol, 200 HP, ça fait 40% de puissance plus que les 140 HP du 90 CV continental poussé à fond. Au niveau 95, ça représente le double.
Si on compte que le racer vole à 400 km/h au niveau du sol, on peut en déduire que l’avion à 200 HP volerait à l’horizontale plein gaz à 450 km/h au niveau du sol, et à 500 km/h au niveau 95.
Mais ce n’est pas tout, qui aurait la drôle d’idée de ne jamais évoluer dans le plan vertical avec un avion de sport ?
Calcul de la vitesse en fonction de la pente
(Attention pour les puristes, je donne ici la pente en % mais il s'agit du sinus de l'angle avec l'horizontale et non sa tangeante. Aux petits angles, ça ne change pas grand chose, mais 100% représente un piqué à la verticale et non un angle de 45 degrés)
Toujours au niveau 95, une prise d’assiette à piquer sur un sage plan de 5% le ferait monter à 532 km/h… et déjà une Vz de 1477 ft/min !
Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?
On pousse un peu plus sur le manche et : plan de10%, 570 km/h et 3165 ft/min.
Les 600 km/h sont à portée de main : plan de 12% et 4000 ft/min.
Pourquoi ça va si vite ? Juste parce qu'au taux de descente de 4000 ft/min, les 450 kilos de l’avion travaillent comme un moteur additionnel de 150 CV doté d’une hélice de rendement 80%.
On pourrait croire que si l’avion était plus lourd, ça irait encore plus vite : c’est faux. Plus de masse au décollage nécessiterait plus de surface de voilure pour satisfaire les performances au décollage, et au mieux, le gain serait négligeable…
Pour les 700 km/h, il faudrait y aller vraiment fort : prendre une pente de descente de 47,5%, mais avec une Vz de 9500 ft/min, le sol arrive vite !
(Je me suis amusé à calculer la vitesse d’équilibre en piqué à la verticale, référence d’atmosphère standard au niveau 95 : mach 0,91 => même en supposant les problèmes de compressibilité et de propulsion résolus, pas moyen de passer le mur du son ! Et même si c’était possible, je n’essaierais pas : plonger vers le sol à plus de 1000 pieds
par seconde, ce n’est plus de mon age…

...sauf peut être sur flight simulator !

)
Mais en considérant qu’un avion CNRA, même en se limitant à 200 HP, pourrait bientôt atteindre 600 km/h, il est évident qu’on ne pourra pas faire l’économie d’un traitement sérieux du flutter dynamique. Une solution, sur ce genre de monstre, serait de remplacer les ailerons par des spoilers d’extrados qui peuvent êtres munis d’amortisseurs hydrauliques à partir d’une certaine vitesse, quitte à en limiter progressivement le braquage pour un même débattement du manche. Cette solution permettrait aussi de doter toute l’envergure de volets pour bénéficier d’un Cz élevé à basse vitesse, et d’une réduction de traînée par un braquage négatif sans avoir une répartition de la portance dégradée (comme sur certains Lancairs où la portance est produite par les extrémités de l’aile – super pour le longeron et les tourbillons marginaux !).
Heureusement, en un sens, les CP sont moins performants. (Pardon

, ce n'est absolument pas une critique

, juste une constatation...

)
Il me semble que dans ton message, Satanas, tu n’envisageais pas de ne pas équilibrer tes ailerons, mais de ne le faire qu’en statique.
D'après lesdonnées que j'ai trouvé sur le site, ton pinocchio II devrait avoir un SCx0 de 0,35 m² - Pour faire simple, ça fait trois fois et demie la traînée d'un racer F1 de classe internationale volant à la même vitesse -
Avec les 97 HP de ton O-200 non préparé pour la course, une masse de 450 kg (qui me semble raisonnable avec un(e) pilote léger(e) quand le MTOW est à 505 kg), et avec une bonne hélice adaptée à la vitesse, tu devrais atteindre (toujours au niveau 95...)
- 230 km/h réels, 197 indiqués, en palier à 75% (gaz à fond compte tenu de l'altitude)
- 254 km/h réels, 217 indiqués et 738 ft/min en piquant de 3°
- 273 km/h réels, 234 indiqués et 1323 ft/min en piquant de 5°
- 319 km/h réels, 274 indiqués et 3082 ft/min en piquant de 10°
- 357 km/h réels, 306 indiqués et 5128 ft/min en piquant de 15°
- 395 km/h réels, 338 indiqués et 7500 ft/min en piquant de 20°
- et les 400 km/h réels,
343 indiqués ne sont pas loin : 7900 ft/min en piquant à 21°
A une altitude plus faible, l'air est plus dense et plein gaz, la puissance augmente, par contre la trainée augmente plus vite. La vitesse réelle diminue donc, mais pas la vitesse indiquée qui augmente...
Même avec ton O-200 de 97 HP, il sera donc assez facile de flirter avec la VNE qui n'est que de 340 km/h (vitesse indiquée)...
(Je crois qu'il existe un Pinocchio II surmotorisé avec un O-320 de 160 HP !)
Copier les pelles des CAP10C pour assurer un équilibrage dynamique en plus, bien sûr, d'un équilibrage statique « aux petits oignons » ne serait peut-être pas du luxe…
Bons vols
Philippe Dejean