Bonjour Laurent,
cp1315 a écrit :
Bonjour à tous
"Le second régime" mériterait un petit exposé de ta part Philippe, non ?
Le second régime te pose problême ?
Bon, repartons des bases sous forme de questions-réponses.
(Je reprends ainsi la technique de G.Aisberg dans sa série de livres "XXX? Mais c'est très simple" qui expliquait pour tous les postes à lampes, la télévision, le transistor... A l'aide de chapitres "causeries" Je n'ai pas son talent de vulgarisateur, mais... )
On suppose que le questionneur ne sait RIEN (mais est curieux) et que celui qui répond ne veut parler ni de pressions ou de dépressions (Bernouilli, Venturi), ni de somme de circulations ou d'épaisseur de profils (Joukovski), de toutes ces notions qui ne servent le plus souvent qu'à embrouiller les explications.
De plus ces notions sont plus ou moins rigoureuses : Quand on fouille la rigueur des expliquations "classiques" on tombe sur des "à peu près" soigneusement occultés, mais impressionnants !
Q : pourquoi un plus lourd que l'air peut se maintenir en l'air ?
R : parce qu'il crée une force (la portance) qui compense son poids.
Q : Je suis bien avancé ! Et comment un plus lourd que l'air crée-t-il la portance ?
R : Ne pouvant s'appuyer sur aucun solide, il ne peut créer cette force que par un mécanisme dynamique, c'est à dire par réaction, en accélérant une masse dans la direction opposée de celle de la portance voulue (en vol rectiligne stabilisé, vers le bas)
La portance (L) produite est égale à la variation de quantité de mouvement :
L = d(MV)/dt = (M x d(V)/dt) + (d(M)/dt x V)
cette équation développée contient deux termes :
- le premier terme correspond au cas des aéronefs : La masse ne varie pratiquement pas, mais une certaine quantité d'air environnant est accéléré vers le bas.
- le deuxième terme correspond au cas des fusées qui font varier leur masse (éjection d'un fluide embarqué - leur propergol) à une vitesse d'éjection quasi-constante (dans leurs propres repères).
Q : Ce dernier cas ne nous concerne pas vraiment ! Comment accélerer de l'air environnant vers le bas ?
R : Avec une hélice entrainée par un moteur (Hélicoptère) ou avec une aile, qui n'est jamais qu'une surface qui dévie vers le bas le vent relatif dû à la transflation horizontale.
Q : Quel masse d'air l'aile peut-elle dévier?
R : En théorie, toute la masse d'air comprise dans un cône dont l'angle dépend de la vitesse d'avancement et de la vitesse du son est affectée par l'aile.
En pratique, l'influence à grande distance est négligeable pour son effet sur la portance. La masse d'air à prendre en compte dans les calculs est celle contenue dans un tube dont l'axe est celui du déplacement, et dont la section est une ellipse. Le grand axe de cette ellipse correspond à l'envergure. Le petit axe dépend de la géométrie de l'aile (corde, courbure, et dans une moindre mesure, profil), Pour se représenter visuellement cette ellipse, on peut prendre le petit axe égal à la moitié du grand axe.
La masse d'air correspond donc au volume de ce tube applati multiplié par la densité de l'air.
Q : Si l'avion vole deux fois plus loin, la masse d'air affectée double, alors la portance double aussi ?
R : Non ! La portance est égale au produit de la variation de vitesse par la masse d'air par unité de temps. Si l'avion vole deux fois plus loin, la portance sera la même, mais elle sera produite deux fois plus longtemps.
Q : Toute choses égales par ailleurs, la portance est donc proportionelle à la vitesse ?
R : Non ! "Toutes choses égales par ailleurs" signifiant que la géométrie du déflecteur étant figée l'augmentation de vitesse se traduit aussi par une augmentation proportionnelle de la vitesse de déviation (vers le bas).
Etant proportionnelle au produit de ces deux termes,
la portance est proportionnelle au carré de la vitesse.
Q : Si la portance est proportionnelle au carré de la vitesse et que le poids est constant, l'avion ne peut voler qu'à une vitesse ?
R : Non ! Pour que la portance soit constante, il suffit que la vitesse de déflexion (vers le bas) varie en proportion inverse de la vitesse de vol. Si on vole deux fois plus vite, il faut que la variation de vitesse (vers le bas) diminue de moitié.
Q : Et comment on arrive à ce résultat ?
R : En faisant varier les "toutes choses égales par ailleurs"
C'est à dire dans le cas d'une aile qui est une surface convexe sur le dessus (extrados) et concave sur le dessous (intrados), on peut réduire la courbure (rentrer des volets) ou plus simplement l'orienter (variation de l'incidence) de telle manière à abaisser l'avant et remonter l'arrière. L'aile est alors beaucoup moins efficace pour dévier l'air vers le bas : Son
coefficient de portance = (2 x Portance) /(surface de l'aile x carré de la vitesse de vol x densité de l'air) diminue.
Q : Mais si on veut voler deux fois moins vite, il faut multiplier par deux la vitesse de déflexion (vers le bas) ?
R : Oui !
Q : Si on vole de moins en moins vite, il y a un moment, où il faudrait que la vitesse de déflexion soit plus grande que la vitesse de vol : Comment l'aile peut-elle dévier plus d'air qu'elle n'en reçoit ?
R : Elle ne le peut pas ! En dessous d'une certaine vitesse, même l'aile la plus efficace ne peut plus porter l'avion. Celui-ci suit une trajectoire ballistique : c'est le "
décrochage"...
Q : Une "trajectoire ballistique" c'est une chute libre ?
R : Presque. C'est une trajectoire où il n'y a plus de portance, mais il y a toujours de l'air qui freine l'avion (Traînée)
Q : Mais les hélicoptères en vol stationnaire, ils ne décrochent pas ?
R : En vol stationnaire, la cabine de l'hélicoptère a une vitesse nulle, mais pas les pales de son rotor qui tourne, justement pour créer cette "vitesse de vol" vue de la pale qui est comparable à une aile. Les "voilures tournantes" contournent le problème, mais ne s'en affranchissent pas : Si le rotor principal ralentit au dessous d'une certaine vitesse de rotation, il décroche lui aussi.
Q : Quand la vitesse diminue, à courbure donnée, il faut orienter l'aile (ou la pale) pour augmenter la vitesse de déflexion (vers le bas)...
R : Oui, il faut augmenter l'angle d'incidence pour augmenter le coefficient de portance. pour les incidences faibles, la variation du coefficient est proportionnel à l'angle d'incidence, puis il atteint un maximum (
Cz max) avant de diminuer un peu, puis s'annuller complètement. (Voir figure)
Q : Le Czmax correspond à la plus faible vitesse de vol possible ?
R : Oui. Si on vole plus vite, on réduit l'incidence pour atteindre un Cz qui permet de conserver la portance constante.
Q : Pour un Cz proche du Cz max, il y a
deux valeurs d'incidence possibles qu'est ce que ça signifie ?
R : Cela signifie que pour une vitesse proche de la vitesse de décrochage, l'avion peut voler avec deux incidences différentes : La valeur faible correspond à la condition de vol habituelle appelé "
premier régime". La valeur forte correspond elle au "
second régime".
Q : Au second régime, l'avion est très cabré ce n'est pas confortable !
R : Le second régime est d'autant moins confortable que, contrairement au premier régime, il est
instable.
Q : Comment ça, instable ?
R : Au premier régime, une action du manche à cabrer fait augmenter l'incidence et le coefficient de portance : l'avion monte et l'incidence se réduit de nouveau naturellement quand la pente de montée est stabilisée.
A second régime, par contre, une action du manche à cabrer fait bien augmenter l'incidence mais le coefficient de portance diminue : L'avion s'enfonce, faisant augmenter encore l'incidence... Si on ne contrôle pas cette instabilité en augmentant la puissance moteur et/ou en repoussant le manche, on aboutit systématiquement au décrochage.
Q : Dans quel cas a-t-on intérêt à voler au second régime ?
R : Le seul cas où le second régime est intéressant, c'est l'arrondi de l'atterrissage de précaution. Après une courte finale plus lente que la normale, l'avion est arrondi (1,2G) pour amener la trajectoire pararrèle à la piste à 1m d'altitude en utilisant le Czmax (1,1 VS1). Ensuite on "refuse le sol" à l'avion ce qui permet de réduire la vitesse de 1,1 VS1 à VS1 en profitant de la trainée augmentée par la plus forte incidence. Quand l'avion s'enfonce, on rend la main pour repasser à Czmax (la gouverne de profondeur devient portante, ce qui aide aussi à réduire le taux de chute) et eviter de toucher trop dur. Dès le toucher des roues, on rentre les volets et on met la profondeur à cabrer (déportante) pour écraser l'avion sur son train et pouvoir freiner fort (surtout en train tricycle). Tout ça se passe très vite, mais permet de gagner quelques mètres de piste.
Dans les autres cas, le second régime est une transition qui rend le décrochage moins net. Ce n'est pas grave en soi, sauf que la trainée est très forte et que ça dégrade l'énergie de l'avion qui perd plus d'altitude que s'il décrochait (et raccrochait!) franchement.
J'espère que ça répond un peu à ta question...
Bons Vols à tous
Philippe Dejean