Echelle des maquettes, réalisme et cinéma/video

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Philippe Dejean
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Echelle des maquettes, réalisme et cinéma/video

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous,

Vous avez sûrement remarqué qu'un spectateur moyen ne met en général que quelques secondes pour comprendre si l'avion filmé en vol est une maquette ou un avion de taille réelle.
Bien entendu, je ne fais pas référence qu'aux maquettes volantes parfaitement fidèles à l'original, au bruit réaliste, pilotées avec un doigté parfait et sans référence visuelle proche permettant de juger de l'échelle.

La raison, c'est que les maquettes volantes radio-commandées ne volent pas exactement comme l'original à l'échelle 1.

Pour que le vol d'une maquette soit réellement conforme à celui de l'original, il faudrait que :

1/ Les vitesses verticales et horizontales soient à l'échelle du modèle (un modèle à l'échelle 1/5 doit monter et voler 5 fois moins vite que l'original)
2/ Les constantes de temps de variation d'assiette soient les mêmes. Les accélérations verticales et horizontales doivent être à l'échelle du modèle (un modèle à l'échelle 1/5 doit accélérer 5 fois moins vite que l'original)
3/ Il faut que dans les évolutions, les inclinaisons soient les mêmes que celles de l'original.

Nous allons voir que si la deuxième condition est facile à satisfaire, la première pose déjà pas mal de problèmes, et que la première est tout bonnement irréalisable sans trucage.

Prenons pour exemple un avion de 8 m d’envergure, décrochant à 80 km/h à la masse maximale de 750 kg. Nous prévoyions d’en faire une maquette de 1,60 m d’envergure, ce qui correspond à l’échelle 1/5.

1/ Voler à une vitesse à l'échelle de l'original impose d'abord que la vitesse de décrochage soit à l'échelle.
Cela signifie que pour un avion grandeur décrochant à 80 km/h, la maquette à l'échelle 1/5 devra décrocher à 80 x 1/5 = 16 km/h
En négligeant la dégradation des performances du profil porteur avec la diminution du nombre de Reynolds, cela signifie que la charge alaire doit être en rapport du carré de la vitesse, donc du carré du facteur d'échelle.
Comme la surface alaire diminue également comme le carré de l'échelle, cela revient à dire que le rapport des masses de l'avion et de la maquette est en rapport d'échelle à la puissance 4.
Ce qui revient à dire que pour notre avion de masse 750 kg, la masse de la maquette à l'échelle 1/5 devra être :
750 x 1/5 x 1/5 x 1/5 x 1/5 = 1,2 kg
Ce qui est pratiquement impossible pour une maquette de 1,60 m d’envergure assez solide pour voler en extérieur.

La solution évidente consiste à faire une maquette plus grosse :
- Échelle 1/4 : 2 m d’envergure et 2,93 kg… (Vs = 20 km/h ; Vcrois = 50 km/h)
- Échelle 30% : 2,4 m d’envergure et 6 kg… (Vs = 24 km/h ; Vcrois = 60 km/h)
- Échelle 1/3 : 2,67 m d’envergure et 9,26 kg… (Vs = 27 km/h ; Vcrois = 67 km/h)
La première valeur semble encore difficile, mais devient envisageable, la seconde est tout à fait réalisable, et la troisième permet certainement de faire une maquette extrêmement réaliste, mais grosse et rapide, vite condamnée à tourner en rond !

Une autre solution consiste à voler en air calme garanti (indoor) avec une maquette plus petite :
- 1,2 m d’envergure (Échelle 15%) : 380 grammes… (Vs = 3,3 m/s ; Vcrois = 8 m/s)
- 1 m d’envergure (Échelle 12,5%) : 183 grammes… (Vs = 2,8 m/s ; Vcrois = 7 m/s)
- 80 cm d’envergure (Échelle 10%) : 75 grammes… (Vs = 2,2 m/s ; Vcrois = 5,6 m/s)
Là encore, il faut trouver un compromis entre les limites techniques de masse, et la vitesse compatible avec les dimensions du local…
Ces chiffres ne tiennent pas compte de l’effet du nombre de Reynolds qui peut nécessiter que l’avion encore plus léger, ou que le profil d’aile soit différent de l’original.

2/ Garder les mêmes constantes de temps que l’original.
Cette exigence consiste surtout à piloter très souplement afin que les trajectoires soient beaucoup plus douces. C’est un problème d’entraînement du pilote, pas un problème technique.

3/ Il faut que dans les évolutions, les inclinaisons soient les mêmes que celles de l'original.
Comme je l’ai expliqué dans un autre sujet, l’inclinaison en virage horizontal stabilisé est ce qui lie l’accélération centripète et l’accélération de la pesanteur, g = 9,81 m/s².
Si un avion à la vitesse de croisière s’incline de 12 degrés pour effectuer un virage au taux standard d’un demi-tour par minute, combien de temps faut-il à la maquette à l’échelle 1/5 pour effectuer un demi-tour sur un rayon à l’échelle, c'est-à-dire 1/5 du rayon du cercle parcouru par l’avion réel ?
L’accélération de la pesanteur et l’angle d’inclinaison étant, par définition, les mêmes pour l’avion et pour la maquette, les accélérations centripètes sont également les mêmes. Or on peut exprimer cette accélération centripète en fonction du rayon et de la vitesse angulaire :
Accélération centripète = rayon x (vitesse angulaire)²
Donc si la maquette vire sur un rayon affecté de l’échelle à la même inclinaison que l’avion réel, on peut affirmer que sa vitesse angulaire sera plus élevée de la racine carrée du rapport d’échelle.
Autrement dit, la maquette à l’échelle 1/5 aura une vitesse angulaire racine carrée de 5 = 2,236 fois plus élevée que l’avion. Ou encore que pour faire un demi-tour, il ne mettra pas une minute, mais seulement 60/2,236 = 26,8 secondes.

DONC quoi qu’on fasse, la maquette ne se comporte pas comme l’avion, et en présentiel dans un meeting, c’est incontournable… Le spectateur un peu avisé n’a aucune chance de se faire berner : la maquette vire trop vite, ou pas assez inclinée…

4/ L’astuce cinématographique… Qui remet tout ce qui précède en cause.
Pour que la maquette « ait vraiment l’air » de se comporter comme l’avion, il faut filmer racine carrée (1/(facteur d’échelle)) plus vite que la vitesse de projection.
Par exemple pour une projection à 24 image par seconde, il faut filmer une maquette à l’échelle 1/5 à 24 x 2,236 = 53,7 images par secondes.

Simple… Sauf qu’il faut alors corriger la plage de vitesse de vol qui ne doit plus rapide pour sembler correcte à la lecture du film.

5/ (ou 1Bis) Les vitesses verticales et horizontales doivent être à la racine carrée de l'échelle du modèle (un modèle à l'échelle 1/5 doit monter et voler 2,236 fois moins vite que l'original)
Voler à une vitesse à la racine carrée de l'échelle de l'original impose d'abord que la vitesse de décrochage soit à la racine carrée de l'échelle.
Cela signifie que pour un avion grandeur décrochant à 80 km/h, la maquette à l'échelle 1/5 devra décrocher à 80 / 2,236 = 35,8 km/h

En négligeant de nouveau la dégradation des performances du profil porteur avec la diminution du nombre de Reynolds, cela signifie que la charge alaire doit être en rapport du carré de la vitesse, et donc, cette fois, proportionnelle au facteur d'échelle.
Comme la surface alaire diminue toujours comme le carré de l'échelle, cela revient à dire que le rapport des masses de l'avion et de la maquette est maintenant en rapport d'échelle à la puissance 3.
Ce qui revient à dire que pour notre avion de masse 750 kg, la masse de la maquette à l'échelle 1/5 devra être :
750 x 1/5 x 1/5 x 1/5 = 6 kg
Faire une maquette de 1,60 m d’envergure qui pèse 6 kg, ou un peu moins pour prendre en compte la dégradation du profil de l’aile et des empennages, ne pose aucune difficulté.
Pour élargir proportionnellement le volume apparent à portée d’une caméra fixe dotée d’un zoom à longue focale, et donc montrer des vols rectilignes plus longs, on peut même choisir une échelle plus réduite :
- Échelle 15% : 1,2 m d’envergure et 2,5 kg… (Vs = 31 km/h ; Vcrois = 78 km/h)
Dans ce cas, toujours pour une projection à 24 images par seconde, il faudra accélérer la caméra à 62 images par secondes.
Un autre avantage de ce ralentissement cinématographique, c’est que les évolutions apparaissent moins brutales, et donc également plus réalistes.

Conclusion
1/ Une maquette ne peut pas se comporter « en vrai » comme un avion de taille réelle
2/ Le ralentissement cinématographique à la racine carrée du rapport d’échelle permet de faire des films réalistes avec une maquette dont la masse varie comme la puissance 3 du rapport d'échelle.
3/ Ce qui est vrai, vu d’une caméra au sol l’est également d’une caméra embarquée.

Avec un peu de chance, on pourrait voir des vidéos réalistes réalisées à partir de maquettes...

Bons vols

Philippe Dejean
Les fourmis sont des guêpes comme les autres !
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